Nous l’avions annoncé depuis que notre projet avait pris forme : partir au Cameroun, cela allait aussi être, enfin, la possibilité de rendre visite à nos amis Thierry et Martine qui accueillent une quinzaine d’enfants orphelins ou en difficulté dans le chef lieu de l’Extrême-Nord du Cameroun, la ville de Maroua. Nous les soutenons depuis leurs débuts, en 2003, et nous avons suivi, à distance. à nombre d’événements, heureux ou moins heureux.
Thierry et Martine étaient venus en visite en Suisse début 2005, juste avant l’arrivée de Nathan, et Thierry était revenu seul en décembre 2008. Enfin, c’était notre tour de leur rendre visite ! Seule chose qui nous inquiétait un peu : la température qui règne habituellement à Maroua en fin de saisons sèche. En mai, Thierry a relevé des températures diurnes de 48°C ! En partant fin mai, on espérait vraiment avoir moins chaud !
Départ donc juste après la fête de fin d’année de Nathan pour rallier Garoua, à 280 km au nord de Ngaoundéré. Nous partons avec une toyota Rav4, mais pas la nôtre. Nous l’avons échangée contre un modèle plus ancien mais 4×4. Plus sûr… Et la voiturefonctionne bien. Nous sommes donc arrivés avec la nuit à Garoua et y avons retrouvé notre ami Thomas Magadji. Il y réside depuis 2009 et nous a accueilli sur la station de l’Eglise Fraternelle Luthérienne, qui compte quelques cases de passages. Ce fut l’occasion de le revoir, après une courte visite qu’il nous avait fait lors d’un passage à Genève. C’est le seul Camerounais que je connaissse qui ait marché sur l’eau (bon, c’était le lac de Joux gelé, mais ça compte !). Nous avons aussi découvert ses deux enfants. Ce fut enfin l’occasion de découvrir son travail de coordinateur d’un projet visant à apporter l’Evangile aux Peuls, une tribue issue des missionnaires musulmans qui sont arrivés au Cameroun par l’Afrique du Nord et de l’Ouest.
Après une première étape pas trop chaude, départ pour Maroua. Il reste 210 km. La première partie se fait sur un goudron en très bon état et sous un orage mémorable. Plus nous progressons vers le nord, plus la végétation devient sèche. En arrivant à Mouda, village à 33 km de Maroua, nous retrouvons notre ami Thierry, qui nous confirme qu’il n’a pas du tout plu cette saison. Thierry est responsables des ateliers à la Fondation Bethléem. Créée par un père catholique, cette fondation vient en aide principalement aux enfants vient essentiellement en aide aux personnes, surtout des jeunes, en difficulté (handicapés physiques et mentaux, veuves, enfants abandonnés, orphelins d’au moins un parent, déficients auditifs et jeunes déscolarisés en quête d’un savoir-faire).
Après nous avoir offert le repas, Thierry nous fait visiter le vaste site de la Fondation. Nous y voyons la ferme, les ateliers, les locaux d’accueil et le réfectoire. Tout est bien tenu, sans doute parce que beaucoup d’Européens y travaillent. Thierry s’occupent de la gestion de 9 ateliers qui forment des jeunes et contribuent à récolter des fonds, à travers la vente de divers produits, pour financer partiellement les activités. La visite est très intéressante, mais il fait chaud. Et la voiture fait désormais un bruit bizarre, comme une Harley Davidson… normal, le pot d’échappement est en train de se faire la belle ! On attache ça pour une réparation ultérieure et on prend la route de Maroua pour, enfin, arriver à la maison d’accueil Daniel Brottier.
Les enfants, surtout les plus jeunes, nous attendaient avec impatience et ils nous entourent dès notre arrivée. Nous nous dépêchons d’apprendre les prénoms, ce qui n’est pas trop difficile car chaque enfant a vraiment son propre caractère : Joseph est réfléchi, Béa plutôt discrète, tout le contraire d’Henriette, toujours active, et De Gloria, qui parle fort ! Ada, elle, parle aussi beaucoup, même si on ne comprend pas tout ce qu’elle dit. Les adolescents se font plus timides et il faudra quelques jours pour briser la glace. Au total, une quinzaine d’enfants, de 5 mois à plus de 18 ans, habitent là. Martine, la maman de cette grande famille, nous accueille aussi chaleureusement (ce qui ajoute à la température proche des 40°) : les retrouvailles sont bien joyeuses !
Nous découvrons aussi le terrain d’un hectare sur lequel Thierry et Martine se sont installés. Il est proche du centre, mais dans un quartier en pleine expansion : il n’y a donc pas de route d’accès officielle, même si elle est tracée sur le cadastre, et encore moins d’eau courante. La maison bénéficie d’un puits de 17 m, mais il n’est pas loin d’être à sec en cette fin de saison sèche. Il faut donc rationner l’eau, même si nous en avons largement assez pour nos besoins. Plusieurs bâtiments ont été construits depuis 2003 : le principal comporte la cuisine, à l’européenne, et la maison principale avec salon, chambres des petits enfants et des bébés, des parents et des adolescentes. L’autre bâtiment, où nous sommes logés, comporte des chambres pour les grands garçons, des douches et une salle d’étude. Divers autres constructions abritent la cuisine traditionnelle, des magasins,… Découvrez très prochainement une visite en vidéo des lieux sur le site web de la maison d’accueil.
Le tableau ne serait pas complet sans les infrastructures mises en place pour viser à l’autonomie de la maison : jardin potager, six bassins de pisciculture et une zone grillagée pour quelques moutons et chèvres. A noter qu’un bouc, la première nuit, nous empêchera de dormir en bêlant sans arrêt. C’est la période du rut ! Celle-ci s’interrompra brutalement pour lui au matin, car il est d’usage, lorsque se présentent des invités de marque (!), de sacrifier une bête. Je n’avais jamais mangé une aussi bonne chèvre grillée !
Les nuits sont donc un peu pénibles, pour nous les gens de l’Adamaoua qui vivent à 1100 m d’altitude dans une fraîcheur relative. Il faut dormir porte et fenêtres grandes ouvertes, pour profiter du moindre souffle d’air. Thierry, lui, dort dehors. Mais il a un lit spécial anti-fourmis et autres insectes grimpants. Heureusement, à cette saison, pas de moustiques, on peut donc abandonner les moustiquaires qui coupent un peu les maigres souffles d’air.
Martine fait bien les choses ! Elle nous prépare de bons repas, dont nous profiterons de moins en moins car le ventre des trois Blancs se détraque rapidement, et nous a planifié un programme d’excursions et de visites… dense ! Nous commençons le dimanche avec une excursion au bord du lac de Maga, à la frontière avec le Tchad. C’est un lac artificiel qui se trouve à 80 km de Maroua… bon, 80 km dont une bonne partie de piste. Le lac, saison sèche oblige, est plutôt bas. Nous assistons au spectacle de la vente des poissons ramenés par les pêcheurs. Il fait très chaud ! Et je fais l’erreur de rester un peu plus au soleil que nécessaire, bon, à peine 10 minutes, mais la fièvre ne tardera pas à monter dans la soirée. Insolation…
Non loin de Maga se trouve le village de Pouss, célèbre pour ses cases obus. Ce style d’architecture unique est malheureusement en voie de disparition, car la construction d’une telle case prend jusqu’à 6 mois, et les constructions restantes ne sont désormais plus que des attractions pour les touristes. Joli et atypique tout de même…
Le mardi, c’est un jour idéal pour aller en visite à Foulou, le village des parents de Martine. Jour idéal, car sa maman brasse la bière de mil, le bil-bil, pour la vendre au marché du village. Faite à partir de cette céréale typique du Grand Nord camerounais, la bière de mil existe en deux variétés, une sucrée, l’autre un peu plus alcoolisée. Cela reste très raisonnable ! Nous découvrons donc un grand village et ses habitants très accueillants. Tout le monde veut se faire prendre en photos et pouvoir se voir directement après sur l’écran LCD de l’appareil impressionne beaucoup ! La vie au village est certes rude, mais elle paraît aussi bien agréable par certains aspects. Le stress n’est pas celui des villes. Le papa de Martine m’a confié n’avoir aucune envie de perdre l’espace qu’il a tout autour de chez lui pour une petite maison serrée en ville.
Mercredi après-midi, départ pour le nord (du nord !) et le parc de Waza. C’est un des parcs les plus connus du Cameroun et je l’avais déjà visité en 2002. J’avais d’ailleurs été bien déçu ! Aller à Waza est une expérience en soi : depuis Maroua, il y a 120 km de goudron, dont plus des 2/3 très fortement dégradés. Impossible de rouler vite, obligation de rester toujours concentré, car des trous de 30 cm de profondeur émaillent la chaussée, de manière aléatoire sur toute sa largeur.
Mais le voyageur intrépide est récompensé en approchant de l’entrée du parc : deux girafes, à une cinquantaine de mètres de la route, souhaitent la bienvenue. Caroline est aux anges ! Arrivés un peu tard (vers 17h00, la nuit tombant à 18h45), nous négocions pour pouvoir encore vite entrer dans le parc et faire un premier, rapide, tour. Avec une superbe luminosité, plus pour les yeux que pour l’appareil photo, nous voyons nos premiers animaux : encore une girafe, un hippotrague, un renard, des damalisques, des pintades en grand nombre,… Il y a relativement peu d’animaux car la chaleur extrême a conduit la majeure partie a migré vers des parties plus reculées du parc où il y a encore de l’eau. Dans notre partie, seule une mare existe encore, grâce au gigantesque camion-citerne, sans freins, qui vient y déverser de l’eau chaque jour.
Nous restons pour la nuit au centre d’accueil du camp où ont été construits de très jolis sarés, de petits groupes de huttes en dur, avec toilette et douche communes. Il y a même la climatisation ! Mais comme l’installateur n’a pas encore été payé, il n’a pas livré les télécommandes, donc rien ne marche ! Et il n’y a de l’eau qu’à un seul robinet, à côté des toilettes. Mais la literie est confortable, surtout que je ne tarde pas à sortir le matelas pour m’installer, avec Nathan, dehors. La nuit sera ainsi très agréable, même un peu fraîche vers le petit matin.
Départ à 6 heures le lendemain pour une seconde ballade dans le parc. Nous sommes moins pressés et pouvons prendre 3 heures. Les animaux sont aussi un plus nombreux. Nous voyons rapidement un phacochère très affairé à retourner le sol. Et le clou de ce jour, c’est un superbe troupeau de plus de 10 girafes, qui cherche désespérement de l’eau dans ce milieu asséché. Les animaux souffrent vraiment de la chaleur ! Nous aussi !
Nous décidons de repartir un jour plus tôt, samedi déjà, car Caroline souffre vraiment des températures extrêmes. Nous profitons du vendredi pour faire un peu le marché, surtout pour de l’artisanat : c’est très moins cher ici ! Les adieux, le samedi, sont empreints d’émotion : il n’est jamais facile de se séparer, surtout lorsqu’on a été aussi bien accueillis. Nos enfants se sont très bien acclimatés, mieux que nous, et ils n’ont cessé de joué avec ceux deThierry et Martine, malgré la chaleur. Nous sommes plus qu’heureux de cette complicité naturelle ! Et Marie a pu prendre du temps avec sa marraine du Cameroun et lui poser des questions, puisque Martine était là le jour où Marie a été amenée à l’orphelinat de Ngaoundéré. Elle était donc bien placée pour répondre à des questions que Marie nous pose depuis qu’elle sait parler ! Notre fille a visiblement bien vécu ce moment, mieux que nous n’osions l’espérer ! Et elle a pu voir que d’autres enfants abandonnés, comme elle, ou orphelins de père ou de mère, ont su trouver, à la maison d’accueil de Maroua, une vraie famille : tous appellent Martine et Thierry, de manière naturelle, “maman ” et “papa”.
C’est sans doute ce que nous retiendrons de notre séjour : nous avons été accueilli non par un orphelinat, mais par une vraie famille !
Merci à Rigobert, Achille, Gountou, Ada, Gloria, Henriette, Béa, Joseph, Mbrossi, Clarisse, Léa, Ndeboum, Soussia, Simon, Thierry et Martine pour leur formidable accueil !
Classé dans: Les voyages, La famille le 17 juin 2010 | Aucun commentaire »